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Exergie

L’exergie est la grandeur adéquate quand on parle (vulgairement) d’énergie. Elle tient compte tant de la quantité d’énergie que de sa qualité, (i.e. son potentiel de travail ou son utilité). L’expression "consommer de l’énergie" est impropre dans la mesure où il y a conservation de l’énergie. À l’inverse, l’exergie décroît à mesure de sa perte de qualité, correspondant souvent à une baisse de température. L’unité de mesure est la même : le Joule et ses multiples.

Qualité ou utilité de l’énergie

Ce sujet extrêmement important est cependant moins familier à beaucoup. Nous tenterons de l’éclairer de différentes manières, avec l’exergie, la cogénération, la pompe à chaleur, etc. La discussion qui suit n’est vraiment utile que lorsqu’il est question d’énergie sous forme de chaleur. Cependant la chaleur est une forme d’énergie que nous utilisons beaucoup. De plus elle constitue l’état ultime normal dans tous les processus.

Il faut d’abord rappeler que l’énergie ne se consomme pas, au sens ou elle disparaîtrait, mais elle se transforme, en une ou plusieurs étapes, en perdant chaque fois une partie de "qualité", jusqu’à ce qu’elle ne soit plus considérée comme utile. Si on fait un tour en voiture, l’énergie chimique du carburant se transformera finalement en chaleur, dans le moteur et la mécanique, mais aussi dans tous les frottements au sol et dans l’air. Il n’y a eu aucune énergie perdue, elle a été transformée. C’est bien ce que dit le premier principe de la thermodynamique qui affirme l’équivalence entre énergie mécanique et thermique.

Équivalence ne veut cependant pas dire égale qualité ou utilité. De la chaleur à 500°C est utile pour produire de l’électricité dans une centrale alors que la même quantité de chaleur à 60°C ne le serait pas (par contre, elle serait utile pour chauffer une maison). Enfin, la même quantité de chaleur à 0,1°C, s’il fait 0°C, n’a plus aucun intérêt. D’ailleurs personne ne vous en donnera un kopeck. Donc, la qualité ou utilité de l’énergie est nulle à température ambiante et augmente avec la température, jusqu’à égaler celle de l’énergie mécanique (ou autre énergie non thermique). Le second principe de la thermodynamique affirme que, dans un système isolé, la qualité de l’énergie ne peut que se dégrader (on dit que son entropie ne peut qu’augmenter). Ainsi, spontanément, la chaleur passe du plus chaud au plus froid et la chaleur produite par une ampoule électrique ne risque pas de redevenir de l’électricité.

Soyons clair (si possible), le second principe n’empêche pas que la "qualité" d’une partie de l’énergie puisse être améliorée, mais il exige que cela soit compensé par une dégradation au moins aussi importante d’une autre partie de l’énergie. C’est pour cette raison que l’on peut partiellement transformer de la chaleur à 500°C en électricité, dans une centrale électrique par exemple.

Exergie

Puisque la quantité d’énergie est insuffisante pour définir l’utilité d’une énergie et qu’il faut également, dans le cas des énergies thermiques, tenir compte de sa "qualité" les ingénieurs utilisent une autre grandeur nommée exergie . Pour toutes les formes d’énergie, excepté la chaleur, l’exergie est exactement égale à l’énergie. Par contre, pour la chaleur, l’exergie dépend aussi de la température. Elle vaut zéro à la température ambiante et augmente lorsque la température augmente, jusqu’à tendre à égaler l’énergie.

On calcule l’exergie d’une certaine quantité de chaleur par la formule

Exergie = Energie x (T - T0)/T

T et T0 sont respectivement la température à laquelle cette quantité de chaleur est disponible et la température ambiante, mesurées en °K (degrés Kelvin, il faut ajouter 273 à la température exprimées en °C)

Ainsi l’exergie d’un kep   de chaleur à 500°C est de 0,65 kep   si la température atmosphérique est de 0°C. A 50°C, elle n’est plus que de 0,15 kep  . Par contre, un kep   sous forme d’électricité possède une exergie égale à l’énergie : un kep  .

Cette approche explique également pourquoi la vie est possible sur Terre. La Terre rayonne quasiment la même quantité d’énergie que celle qu’elle reçoit du Soleil. Cependant elle reçoit de la chaleur à 6000 °K (5.727 °C), température à la surface du soleil, alors qu’elle réémet la chaleur à environ 290 °K (17 °C). La "qualité" (l’exergie) de l’énergie émise est bien plus faible que celle de l’énergie reçue. C’est cette différence qui autorise que des réactions chimiques se produisent qui aboutissent à la formation d’organismes complexes et à la vie. On n’a pas utilisé de quantité d’énergie puisqu’on a réémis la même chose, on a utilisé une quantité d’exergie. On a utilisé la "dégradation" de la chaleur reçue pour, en partie, augmenter la "qualité" de certaines substances ou organismes.
Cogénération

La cogénération est la production combinée de chaleur et d’électricité effectuée dans le but d’améliorer l’efficacité énergétique. Une difficulté consiste à identifier un usage utile de la chaleur, en effet, elle se transporte difficilement et pas très loin.

Cependant, chaleur et électricité, indépendamment des quantités produites, n’ont pas la même "noblesse", pas la même utilité (surtout si la température de la chaleur est faible) et, par conséquent, pas le même prix. Par conséquent, il ne suffit pas de comparer les rendements énergétiques de la production de chaleur et d’électricité. Il est préférable de comparer les rendements exergétiques.

Comparons 3 situations :

  • Une centrale thermique qui produit de l’électricité avec un rendement énergétique de 40%. Le rendement exergétique est également de 40%, égal au rendement énergétique car la production utile est de l’électricité dont l’exergie est égale à l’énergie. Les 60% restants de l’énergie sont dissipés sous forme de chaleur, par exemple à 60°C.
  • Une chaudière qui produit de la chaleur à 60°C, pour le chauffage par exemple. Son rendement énergétique atteindra facilement 90%, mais en ne servant qu’à produire une énergie de basse qualité. Par contre, son rendement exergétique n’est que de 16% (0,90x60/333).
  • Une installation de cogénération qui produit de l’électricité avec un rendement énergétique de 40%, la chaleur résiduelle (60%) servant à un chauffage à 60°C avec un rendement de 90%. Dans ce cas, le rendement énergétique global est de 90% (il n’y a que 10% de dissipé sous forme de chaleur) mais le rendement exergétique global est de 50% (0,40+0,60x0,90x60/333).

La conclusion est claire, le troisième système est préférable aux deux premiers. Mais si l’on examine les rendements exergétiques, qui donnent une meilleure indication de l’utilité de l’énergie produite, on constate que la supériorité se marque surtout par rapport à la chaudière simple, plutôt que par rapport à la centrale électrique.

Ceci montre que, en ce qui concerne la cogénération, les efforts devraient surtout porter sur le remplacement des chaudières, dont le rendement exergétique est par nature très faible, par des systèmes de cogénération. Malheureusement, les systèmes de micro-cogénération ne sont pas (encore) suffisamment abordables et fiables, ce qui en rend l’usage difficile pour des particuliers. Par contre, les systèmes de cogénération devraient devenir la norme pour les chaufferies collectives.

Pompe à chaleur

Comme son nom l’indique, la "pompe" à chaleur prélève de la chaleur ambiante, dans l’air ou dans le sol, et en élève la température jusqu’à être suffisante, pour chauffer une maison par exemple. Cette transformation n’est cependant pas possible sans autre assistance. En effet, cela reviendrait à augmenter l’exergie de cette quantité de chaleur, ce que le second principe de la thermodynamique interdit. C’est pourquoi on fait appel à un système plus complexe qui utilise également une autre source d’énergie, généralement de l’électricité, afin que globalement il y ait transfert d’énergie sans augmentation d’exergie.

Prenons l’exemple d’une pompe à chaleur qui utiliserait 1 kep   d’énergie sous forme d’électricité pour "pomper" 2 kep   de chaleur à 0 °C et délivrer le tout sous forme de chaleur à 40 °C pour chauffer une maison.

D’un point de vue énergétique, on a utilisé 1 kep   d’électricité qui, s’ajoutant aux 2 kep   "pompés" dans le sol, fournit 3 kep   de chaleur à 40 °C. Le coefficient de performance (COP), qui est le rapport entre l’énergie fournie (sous forme de chaleur à 40°C) et l’énergie "noble" (non gratuite) consommée est donc ici égal à 3.

D’un point de vue exergétique, on est passé de l’exergie puisée dans le sol, augmentée de celle consommée sous forme d’électricité pour arriver à celle du chauffage à 40°C. L’exergie du sol est nulle puisque l’on est à température ambiante, celle de l’électricité est égale à l’énergie (1 kep  ) et celle du chauffage est de 0,4 kep   (3x40/313). L’exergie globale a donc diminué de 1 à 0,4 kep  , ce qui est cette fois compatible avec les lois de la thermodynamique.

On en profitera pour dénoncer une fois de plus l’abus du terme géothermie dans le cas de ce type de pompe à chaleur. La chaleur du sol ou de l’air, lorsqu’elle est prélevée, provoque un refroidissement du sol ou de l’air, refroidissement qui sera lentement compensé, essentiellement par l’énergie du soleil (125 W/m2) et non par celle provenant du manteau terrestre (0,07 W/m2).