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Le système Pantone, une sorte de moteur à eau

Une simple recherche sur internet montre l'intérêt porté à cette "invention" par de nombreux bricoleurs soucieux d'écologie et désireux de rendre leur véhicule plus propre et plus économique. L'invention, également dénommée "procédé GEET", a quelquefois été mise en avant par des médias en mal de copie sensationnelle et peu soucieux de vérifier leurs affirmations auprès de sources indépendantes (voir par exemple un reportage présenté au 20h de TF1 en 2005 et disponible sur internet).

Selon ses partisans, un moteur à combustion équipé du système mis au point par Paul Pantone consommerait moins de carburant et polluerait moins que le moteur qui n'a pas été équipé de ce système.

Schéma de principe du système Pantone

Source : JL Naudin - 2000

Le principe de l'invention consiste à recycler une partie des gaz d'échappement pour entraîner de l'eau et du carburant puis à réchauffer ce mélange au moyen de la totalité des gaz d'échappement avant de l'admettre dans le moteur, additionné d'un peu d'air frais. Cette astuce apporterait un supplément d'énergie au moteur tout en assurant des gaz d'échappement plus propres. Toutefois, ces prétentions sont en contradiction avec les lois de la physique et de la chimie. Elles sont donc inévitablement impossibles.

La seule vérification au banc d'essais que nous connaissons est entachée de grosses lacunes et erreurs de mesure et, ce qui est plus grave, l'interprétation des résultats est particulièrement fantaisiste et va jusqu'à affirmer le contraire de ce qui a été réellement observé.

Finalement, à l'appui de leur thèse, les promoteurs du système Pantone invoquent un catalogue de justifications apparentées à différentes théories scientifiques. Peu importe que ces explications violent certaines lois de la physique (le principe de conservation de l'énergie par exemple). Peu importe qu'elles évoquent (pour faire sérieux ?) des phénomènes physiques connus mais impossibles dans les conditions de pression et de température atteintes dans le système Pantone.

Des tests convaincants ?

Des essais d'un système Pantone ont été menés en 2001 par Christophe Martz dans le cadre de son projet de fin d'études à l'Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg. Par après, il a publié son travail sur son site internet (econologie.com). C'est ce travail qui a servi de base à la présente analyse (voir condensé).

Pour mener ses recherches à bien, l'étudiant a acheté un petit groupe électrogène à essence de 4kW. Il lui a ensuite adapté un système Pantone de sa conception et a instrumenté l'ensemble en le dotant d'une série d'appareils de mesure de température, de pression, de débits ainsi que d'analyseurs de gaz. Les transformations ont consisté à modifier complètement les circuits d'admission et d'échappement du moteur pour y insérer un système Pantone.

L'étudiant a également prévu une version de son montage Pantone sur laquelle il a réadapté le carburateur d'origine. Ceci lui a permis de comparer les deux modes de fonctionnement : "Pantone" ou "carburateur".

On arrive donc aux trois modes de fonctionnement dont parle l'auteur dans son travail 

Cependant, le "fonctionnement entièrement d'origine" n'a pas été réellement pris en considération par l'auteur et n'a pas constitué la base de comparaison principale pour évaluer le "système Pantone".

Il faut insister là dessus, le "fonctionnement Pantone" n'a pas été comparé au "fonctionnement d'origine" mais bien au fonctionnement du "moteur dégradé" (moteur transformé en système Pantone avec carburateur réadapté).

Or, ainsi transformé, ce pauvre moteur ne tournait plus du tout normalement, consommant plus du double de la normale et parvenant à peine à faire tourner l'alternateur tout en recrachant des gaz d'échappement particulièrement pollués (chargés en imbrûlés). Il n'est pas difficile d'imaginer alors que le "moteur Pantone" a obtenu un meilleur rendement et a produit des gaz d'échappement plus propres que le "moteur dégradé". Le contraire eut été étonnant. Par contre, si on compare les résultats obtenus avec ceux du "moteur d'origine", on constate d'abord qu'on a perdu la moitié de la puissance (de 4kW à 2kW) et on constate également qu'il n'y a plus d'amélioration en ce qui concerne le rendement alors que pourtant le rendement du moteur d'origine à demi puissance n'est certainement pas optimal. A cet égard, l'adoption du système EGR ou la diminution de la richesse du mélange pourraient déjà apporter une amélioration sur un moteur conventionnel fonctionnant à charge partielle.

Une analyse de gaz farfelue

Lors des tests, la composition des gaz d'échappement du "moteur d'origine" n'a même pas été analysée, rendant toute comparaison valable impossible. La comparaison n'a été effectuée qu'entre le "moteur Pantone" et le "moteur dégradé", ce qui est intellectuellement tout à fait malhonnête.

Et pour couronner le tout, les résultats de l'analyse des gaz d'échappement donnés dans le rapport pour le fonctionnement Pantone sont incohérents. Par exemple, en fonctionnement à 2.000 watts, le rapport indique (annexe F3) :

CO2 CO HC 02
% vol % vol % vol % vol
3,7 0,1 0,003 14,7

La quantité d'oxygène dans les gaz d'échappement fait immédiatement sursauter. En effet, il y a normalement 21 % d'oxygène dans l'air. S'il en reste 14 ou 15 % dans les gaz d'échappement, c'est qu'on en n'a consommé qu'un tiers. Il s'agirait donc d'une combustion en mélange très pauvre, c'est-à-dire avec beaucoup d'excès d'air. Or, dans ce cas on bute sur deux impossibilités de fonctionnement :

  1. Avec une telle richesse (environ 3 fois trop d'air), l'allumage des gaz dans le cylindre ne peut pas se faire normalement et le moteur ne peut pas tourner, la limite étant à environ 1,6 fois trop d'air,
  2. Avec cet excès d'air et la quantité de carburant consommée, ce moteur 4 temps de 300 cm3 tournant à 3.000 tours par minute devrait "avaler" plus de 40 m3 d'air par heure. Or, à cette vitesse, un tel moteur ne pourra jamais absorber plus de 27 m3 (détails).

Les résultats de l'analyse sont donc faux. Il y a certainement eu un mélange d'air avec les gaz d'échappement lors de la mesure.

Et quelle quantité d'eau ?

On aurait imaginé, puisqu'il s'agit de remplacer partiellement le carburant par de l'eau, que l'on aurait mesuré non seulement la consommation du carburant mais aussi celle de l'eau. Or il n'y a aucune mesure de la consommation d'eau (détails), car dit-il page 48 : "la consommation d’eau nous intéresse moins étant donné sa gratuité" ! Il n'y a pas non plus de mesure du débit d'air admis ni du débit de gaz d'échappement, ce qui empêche d'établir un bilan massique complet du système comme en ont l'habitude les motoristes.

Les explications théoriques

Le travail de Christophe Martz contient une abondance d'évocations théoriques qui aboutissent à présenter le système Pantone comme très prometteur, comme quand il parle de "l'efficacité de la génération plasmatique" par exemple. Visiblement, des théories habituellement enseignées aux étudiants ingénieurs ont été ici totalement déformées et dénaturées pour tenter, sans rigueur aucune, de les faire correspondre aux souhaits de l'"inventeur". Ici, ce n'est plus la théorie qui devrait correspondre à la réalité, comme le voudrait une démarche scientifique, mais la réalité qui est priée de s'adapter, par tous les moyens, aux exigences du chercheur. Nous n'en retiendrons que deux exemples.

La fusion de l'hydrogène

Ne reculant devant rien pour tenter d'expliquer l'origine de l'énergie que le système Pantone tirerait de l'eau, ses promoteurs vont jusqu'à faire appel à la fusion froide, célèbre mystification de deux chercheurs étasuniens qui prétendent avoir réussi en 1989 à réaliser la fusion de l'hydrogène dans leur cuisine.

Si vraiment on pouvait tirer aussi simplement de l'énergie à partir de la fusion de l'hydrogène, nos gouvernants devraient faire de sérieuses économies. En effet, pourquoi poursuivre le projet ITER, projet mondial entamé à Cadarache, dans l'espoir, toujours incertain, de maîtriser la fusion de l'hydrogène (en réalité de deux isotopes de l'hydrogène, deutérium et tritium). Il n'y aurait plus qu'à ranger ce projet gigantesque et extrêmement coûteux au frigo !

De l'importance du magnétisme terrestre !

Durant la première demi-heure d'utilisation d'un moteur équipé du système Pantone, il faudrait l'orienter vers le nord ! Peu importe qu'il soit orienté vers l'est le reste du temps, les bonnes habitudes (économie de carburant et faible pollution) sont définitivement prises !

On vous le disait, ce moteur est vraiment étonnant.

Qu'en conclure

Tous les résultats des mesures, ou au moins ceux qui ne se contredisent pas entre eux, concordent pour montrer que le système Pantone n'a apporté ni économie de carburant ni diminution de la pollution. Il n'a fait que diminuer la puissance disponible.

Les explications théoriques données dans le rapport sont en contradiction avec les connaissances actuelles dans les nombreux domaines abordés par un auteur particulièrement encyclopédique.

Soyons clairs et précis, un moteur ne tirera jamais son énergie d'un liquide qui, comme l'eau, n'en contient aucune. Pas plus le système Pantone qu'un autre. Ce serait totalement contraire à la loi de conservation de l'énergie.

Extraits

Condensé du travail de Christophe Martz

L'étudiant résume ainsi son travail : "Le procédé GEET (Global Environment Energy Technology) de P. Pantone est un procédé de reformage de vapeurs d'hydrocarbures et d'eau avant injection dans la chambre de combustion. Ce procédé récupère dans un échangeur-réacteur, la chaleur des gaz d'échappement, entièrement perdue dans un moteur classique, afin de traiter les gaz d'admission circulant dans un espace annulaire par une réaction chimico-électromagnétique. Le principal avantage de ce procédé est une forte dépollution, en effet la réaction casse les molécules d'hydrocarbures en molécules plus petites pour obtenir un gaz plus volatil, dénommé Gaz GEET, dont la combustion est plus facile et donc plus propre."

Qui est Paul Pantone ?

Alors que dans son travail initial, Christophe Martz est tout à fait élogieux sur la personnalité de Paul Pantone, le présentant comme un inventeur fiable et altruiste, il modifie son point de vue en février 2002 (page 16) : Mr Pantone n'est, en effet, pas capable de prouver, chiffres à l'appui, ce qu'il affirme. Il se contente de faire payer, très cher, des " pseudo " stages de formation où rien de scientifique ne ressort. C'est extrêmement dommageable pour son procédé qui mérite que l'on s'y intéresse. Il n'y a donc grand chose à attendre du côté de l'inventeur. L'homme est donc mauvais mais son idée ne l'est pas... même si l'on peut douter de sa paternité en voyant des brevets comme celui de Jean Chambrin.

Influence du magnétisme terrestre !

Parmi les divers aspects étranges du système Pantone, on ne pouvait passer sous silence celui de l'influence supposée du magnétisme terrestre : "Le réacteur doit être magnétisé pôle Nord coté moteur, pôle Sud coté évaporateur, cette magnétisation peut être faite par simple orientation dans l'axe terrestre Nord-Sud durant les premières 30 min. de fonctionnement. De plus un champ magnétique alternatif est observable pendant le fonctionnement, ce qui traduit la présence de gaz ionisés en déplacement (la cartographie précise de ce champ donnerait la trajectoire des gaz autour de la tige, nous verrons par la suite que les gaz se déplacent suivant une spirale autour de la tige)."

Quelques détails techniques

Pour les courageux, voici quelques considérations plus techniques.

Peut-on déduire la consommation en eau de la mesure du débit volumique Qv1 ?

Dans la mesure où ce débit est constitué principalement de gaz d'échappement et d'un (tout) petit peu de vapeur et d'aérosol d'eau, on ne saurait calculer le débit d'eau sans connaître le débit de gaz d'échappement.

Concernant encore l'eau l'étudiant base également certains calculs sur les "Hypotèses : r eau = 287 J/kg.K" (annexe F3). Or la constante de la vapeur d'eau vaut 462 J/(kg.K) et c'est celle de l'air qui vaut 287 J/(kg.K) !

Dans les mêmes "hypothèses", l'étudiant écrit que la constante "r essence = r C8H18 = 670 J/kg.K" alors qu'elle vaut en réalité 73 J/(kg.K). La valeur 670 J/(kg.K) correspondrait à un gaz de masse molaire 12,4 kg/kmol !

Recyclage des gaz d'échappement

Depuis longtemps, les motoristes savent que l'on peut dans certains cas diminuer de quelques pourcents la consommation d'un moteur à allumage fonctionnant à charge partielle en réinjectant une partie des gaz d'échappement dans le moteur. Cette technique, dénommée EGR (exhaust gas recirculation), est surtout utilisée pour réduire les émissions de NO, polluant lié entre autres aux pluies acides et à la formation d'ozone dans la basse atmosphère. Voir à ce sujet l'ouvrage de John B. Heywood : "Internal Combustion Engine Fundamentals", McGraw-Hill Science, 1988.

Les mélanges pauvres en essence

Dans la plupart des moteurs à essence équipés d'un carburateur, celui-ci est doté d'un gicleur qui optimise la puissance du moteur plutôt que l'économie de carburant. Les motoristes savent bien qu'en mettant un gicleur légèrement plus petit, ils apauvrissent le mélange air/essence ce qui entraîne une augmentation du rendement du moteur (diminution de la consommation).

Ceci n'est plus vrai pour les moteurs à essence à injection actuels équipés d'une sonde "lambda" qui règle en permanence le débit d'essence pour optimiser la richesse du mélange (assurer une faible concentration résiduelle des gaz d'échappement en oxygène).

Composition des gaz d'échappement

Reconstituons la composition complète des gaz d'échappement et d'admission en partant de l'hypothèse que l'analyse des gaz d'échappement est correcte.

Il faut rappeler que pour ce qui concerne les gaz (idéaux) il est indifférent de raisonner en volume ou en nombre de moles (ou de molécules), ce que nous ferons ici.

Suivons l'auteur dans son hypothèse que le carburant est exclusivement composé d'isooctane C8H18, ce qui est proche de la réalité.

Au vu de leur très faible concentration et de leur composition inconnue, on néglige la présence des hydrocarbures (HC). On a alors :

Echappement Admission
CO2 CO 02 H2O N2 C8H18 02 N2
3,7 0,1 14,7 4,275 77,45 0,475 20,59 77,45

Les calculs pour obtenir les différentes quantités (nombres de moles) sont assez simples :

Selon l'auteur, son moteur Pantone tournant à 3.000 tours par minute et produisant une puissance de 2kW consomme 0,509 kilogrammes de carburant par kilowattheure électrique produit (annexe F3), soit 1,18 kg/h. Nous pouvons maintenant déterminer la quantité d'air correspondant à cette consommation de carburant.

C8H18 02 N2
moles 0,475 20,59 77,45
Mm 114 32 28
kg 54 659 2.169
kg/h 1,18 14,4 47,2

Les masses molaires (Mm), en grammes par mole, des composants se calculent à partir des masse atomiques du carbone (12), de l'hydrogène (1), de l'oxygène (16) et de l'azote (14). Les masses de composants (en kg) sont le produit des quantités en moles et des masses molaires. Finalement, les débits d'oxygène et d'azote, en kg/h, se calculent à partir de celui du carburant, par une simple règle de trois.

La masse d'air que le moteur doit "avaler" est donc de 61,6 kg/h (14,4+47,2). La densité de l'air étant à peu près 1,2 kg/m3, le débit d'air correspondant est 51 m3/h !

Or le volume aspiré par ce moteur de 300 cm3 tournant à 3.000 tr/min ne peut être supérieur au volume balayé qui est de 27 m3 (0,0003*3000/2*60).

On peut donc conclure que l'hypothèse était fausse et que le résultat de l'analyse des gaz d'échappement est impossible et ne correspond pas à la réalité. Le résultat ne peut s'expliquer que si les gaz d'échappement ont été dilués avec de l'air avant leur analyse.

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