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L’énergie propre avec l’hydrogène ?

mercredi 17 mai 2006, par Louis Possoz

  • Réaction à l’ Encyclopédie visuelle des Sciences du quotidien "Le Soir" - 2004
  • Repris dans Renouvelle , revue de l’APERe - 2e trimestre 2006

 L’encyclopédie de la désinformation ?


 Réaction

"Le Soir", grand quotidien belge, présente "l’énergie propre avec l’hydrogène" dans la partie "les dernières découvertes en science" de son "encyclopédie visuelle des Sciences". L’article commence par : "De l’hydrogène à la place du pétrole ? L’idée fait actuellement son chemin en Europe. Comme d’ailleurs au Japon et aux États-Unis notamment (...) La recherche d’une alternative énergétique aussi disponible que le pétrole se concentre aujourd’hui sur l’hydrogène (...)"

Il s’agit là d’une véritable désinformation scientifique. En effet, il n’existe pas d’hydrogène natif (non combiné) sur notre planète. Il faut donc le produire (ce qu’on sait faire). Le hic est que cette production consomme (beaucoup) plus d’énergie que ce que l’hydrogène ainsi produit pourra restituer. On n’a donc ainsi strictement rien résolu en matière d’approvisionnement énergétique mondial. Quant aux sympathiques méthodes pour produire de l’hydrogène proprement, évoquées dans l’article comme pleines d’avenir, elles ne sont pas utilisables à une échelle autre qu’anecdotique. Sait-on faire ? Oui. Est-ce utile ? Non, et c’est plutôt du gaspillage d’électricité. Pour des détails, on lira certainement avec intérêt les explications de Jean-Marc Jancovici, un des meilleurs spécialistes scientifiques de la problématique mondiale de l’énergie.

L’article du Soir présente ensuite le chauffage d’une piscine de Liège au moyen d’une pile à combustible Ballard. L’énergie primaire est du méthane (CH4) dont on extrait l’hydrogène par reformage pour alimenter la pile. Ici non plus il n’y a pas de miracle puisque l’on consomme un combustible fossile. Si l’article indique la puissance électrique délivrée par la pile (220 kW), il ne mentionne pas la puissance consommée (kg ou Nm3 de méthane par unité de temps), ne permettant pas au lecteur de calculer le (faible) rendement de l’opération. Ici encore, on lira Mr Jancovici avec intérêt. Pour l’anecdote l’article n’indique pas non plus le sort réservé au carbone résiduel dans cette application particulière. Il serait amusant de constater qu’il termine dans l’atmosphère, sous forme de CO2, comme pour une vulgaire turbine à gaz.

Plus loin, l’article présente l’exemple islandais d’une station service à hydrogène, suggérant que les États-Unis et la Japon suivront. Mais l’article omet soigneusement d’expliquer le cas très particulier de l’Islande. Parce que situé sur un arc volcanique, ce pays dispose d’énergie primaire gratuite et abondante (à l’aune de ses 260.000 habitants) sous forme de réserves d’eaux à hautes températures. Il peut ainsi produire de l’électricité sans trop se soucier de son approvisionnement énergétique ni du rendement de l’opération. Faire croire que les États-Unis ou le Japon pourraient faire de même est par contre ahurissant ! Où sont leurs sources d’énergies abondantes et gratuites ? Pourquoi ne les utilisent-ils pas déjà ?

En conclusion, l’hydrogène n’est pas une solution aux problèmes d’approvisionnement en énergie (puisqu’il n’existe pas à l’état natif) et il faut arrêter de faire croire le contraire. Cela n’empêche que les recherches sur la production et l’utilisation de l’hydrogène, pour des applications particulières, restent très utiles. Il faut les poursuivre.

Quant au débat de société, les travaux de la communauté scientifique mondiale (au travers du GIEC  ) commencent à atteindre l’opinion publique, lui faisant lentement prendre conscience de ce que l’humanité va vraisemblablement vers des difficultés majeures si elle persiste dans son modèle de développement énergétivore. Au même moment, certains articles de presse, scientifiquement faux ou au moins très partiaux, ont pour résultat d’apaiser inopportunément les inquiétudes naissantes de l’opinion, la détournant des questions auxquelles la communauté scientifique mondiale tentait de la sensibiliser. Et après cela, on attend des citoyens qu’ils votent en toute connaissance de cause ! Aujourd’hui, les difficultés ne proviennent plus vraiment des scientifiques, qui vivraient retirés dans leur tour d’ivoire, mais des médias, qui relaient indifféremment information et désinformation (pour garder l’équilibre ?) avec une légère préférence pour la seconde car elle est souvent un peu plus sensationnelle.

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