Accueil > Énergie > Renouvelables > Un monde 100% énergies renouvelables

Un monde 100% énergies renouvelables

lundi 7 septembre 2015, par Hervé Jeanmart , Louis Possoz

Cent pour cent renouvelables en 2030 ou 2050, tout en poursuivant et développant encore un mode de vie "moderne" : les propositions se multiplient, tant au niveaux nationaux qu’à l’international. L’idée est bien séduisante et ne peut que nous remplir d’optimisme. Mais est-elle réellement crédible ?

Si, comme (presque) tout le monde, nous y avons cru pendant quelques années, l’analyse détaillée de la question nous a convaincus que, pour les pays développés, cet objectif était inatteignable, et de loin. Pour ces pays, il y a incompatibilité quantitative entre le potentiel des énergies renouvelables et le niveau de consommation atteint, tant énergétique qu’économique, sans parler de la poursuite de la croissance économique. L’enthousiasme initial provoqué par les affirmations habituelles sur les énormes quantités d’énergies renouvelables disponibles, 8 à 10 mille fois la consommation humaine dit-on souvent, est déjà refroidi quand on regarde d’un peu plus près la réalité de ces flux d’énergies terrestres.

Pour nous faire une idée plus concrète sur cette proposition nous nous baserons ici sur une étude scientifique globale "tout renouvelables". Ce scénario considère qu’il est possible de couvrir l’ensemble des besoins énergétiques de l’humanité, sans entraver la croissance économique, en faisant uniquement appel à l’énergie du vent, des courants marins, de la houle, géothermique, hydraulique et solaire (photovoltaïque et à concentration).

Cette étude aboutit à des chiffres globaux (mondiaux) qui laissent penser que l’on tient là une solution crédible à la crise climatique. Cependant, ces chiffres sont trop importants pour être directement évocateurs. Ils ne permettent pas de "ressentir" l’importance du projet et donc sa faisabilité. Pour y remédier, nous allons transposer ce scénario à quelques pays développés : Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni et États-Unis.

Finalement, les résultats de cette transposition sont tellement énormes qu’ils obligent à se poser deux questions : (1) où trouver les territoires nécessaires au déploiement de ces équipements et (2) où trouver les moyens humains et matériels indispensables pour assurer la production, l’entretien et le renouvellement de ces équipements ?

 Scénario mondial

En 2011, Jacobson et Delucci ont publié un article qui a été abondamment relayé par les promoteurs des énergies renouvelables : Produire toute l’énergie du monde avec la puissance du vent, de l’eau et du soleil [1]. Il existe d’autres études allant dans le même sens mais celle-ci est un bon exemple. De plus, elle est largement référencée dans la littérature et est citée dans les rapports du GIEC.

Les auteurs y proposent d’alimenter en énergie l’ensemble de l’humanité uniquement à partir de ces trois sources d’énergie. Selon eux, l’infrastructure énergétique ad hoc pourrait être opérationnelle en 2030, le temps d’adapter le système énergétique mondial qui devra notamment être entièrement électrifié. À ce moment là, selon les estimations de l’EIA, la croissance "normale" de l’économie devrait avoir fait croître la demande mondiale d’énergie (17 TW de puissance primaire moyenne, contre 12,5 TW en 2007). Cependant, estiment les auteurs, grâce au système "tout électrique", plus efficace que le système actuel largement basé sur les combustibles fossiles, une puissance primaire moyenne plus modeste devrait suffire (11,5 TW au lieu de 17 TW).

Un monde 100% énergies renouvelables
Table des équipements, puissances et quantités.
Jacobson & Delucci - 2011

Jacobson et Delucci répartissent ensuite cette production d’énergie entre les différentes technologies renouvelables que sont l’énergie éolienne, l’énergie de la houle, la géothermie, l’hydroélectricité, le photovoltaïque (toitures ou champs) et le solaire à concentration. Dans un tableau figurant dans l’article (voir ci-contre) la première colonne précise le type d’équipement, la seconde donne la puissance unitaire – puissance de chaque équipement en MW – tandis que la quatrième correspond au nombre d’équipements de ce type qui seraient nécessaires au niveau mondial.

Bien entendu, ces équipements fonctionnent généralement de manière intermittente, au gré du vent, du soleil et des courants marins côtiers, et il faut donc prévoir des puissances bien supérieures à la demande moyenne. Les auteurs ont donc utilisé des coefficients (taux de charge) raisonnables, adaptés aux différentes technologie.

Les auteurs ne se sont pas penchés sur la répartition planétaire de ces installations énergétiques. Ils n’ont décliné leur scénario que pour les USA (colonne 7), en le basant sur leur consommation officielle d’énergie (Énergie à la production) dont on sait qu’elle ne reflète que très imparfaitement le mode de vie des Étasuniens (Énergie à la consommation).

Cependant, les chiffres mondiaux sont peu évocateurs. Difficile de se rendre compte de ce que représentent 4 millions d’éoliennes de 5 MW, deux milliards de toits équipés chacun de 3 kW de panneaux photovoltaïques ou un demi million d’hydroliennes. Un exercice de transposition devrait permettre de se faire une meilleure idée.

 Scénarios nationaux

À chaque pays correspond une population, une superficie et un certain mode de vie mesuré par son niveau économique (PIB  ). La densité de population est une donnée importante pour l’analyse d’un scénario d’énergies renouvelables puisqu’elle donne une idée de la disponibilité de territoire. De même le revenu par habitant donne une bonne idée de sa demande en énergie en raison du couplage entre ces deux valeurs. Le tableau suivant rassemble ces informations pour quelques pays développés objets de notre attention. Il reprend également les pourcentages de la population et du PIB   rapportés à la population mondiale et au PIB   mondial.

Pop.DensitéRevenus
millions % hab./km2 US$/hab. %
Allemagne 81 1,13 226 46.255 4,90
Belgique 11 0,16 366 46.927 0,69
France 66 0,93 103 42.631 3,69
UK 64 0,90 263 41.777 3,52
USA 316 4,44 33 52.980 22,03
Monde 7.125 100 10.684 100

Ensuite, il faut transposer les quantités mondiales en équipements d’énergies renouvelables aux cas de pays particuliers. Comment procéder ? Proportionnellement au nombre d’habitants ? Ceci ne refléterait pas la différence du niveau de consommation entre les pays développés et les autres. Les besoins énergétiques d’un pays dépendent en réalité aussi bien de sa population que du mode de vie de celle-ci. C’est le produit de ces deux facteurs qui détermine la dépendance énergétique d’un pays. La demande en énergie d’une population, y compris en terme d’énergies grises, est très fortement couplée à sa demande finale de biens et de services, et donc à ses revenus. La manière la plus correcte de transposer un scénario d’énergies renouvelables est donc d’adapter les chiffres proportionnellement au PIB  . On en déduit alors très simplement le tableau ci-dessous dans lequel on a regroupé les deux types d’installations photovoltaïques.

EquipementPuissanceAllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
MW # # # # #
Éoliennes 3 310.349 43.660 233.806 222.818 1.395.063 6.333.333
Hydroliennes 1,2 20.009 2.815 15.074 14.366 89.945 408.333
Machines houlomotrices 0,75 35.282 4.963 26.580 25.331 158.597 720.000
Centrales géothermiques 120 218 31 165 157 982 4 458
Centrales hydroélectriques 1.330 43 6 32 31 194 880
Centrales solaires à concentration 20 36.017 5.067 27.134 25.859 161.901 735.000
Km2 de panneaux photovoltaïques 100 8.379 1.179 6.313 6.016 37.667 171.000

Comme on peut le vérifier, la puissance unitaire de certains équipements a été modifiée par rapport au scénario de référence dans le but de mieux correspondre aux exemples qui suivent. Cependant cela ne modifie en rien notre évaluation puisque le nombre d’équipements nécessaires a été adapté pour compenser cette modification.

Pour mieux visualiser ce que ces chiffres représentent, un passage en revue est nécessaire. Au cours de celui-ci et dans l’optique de rendre les chiffres plus "parlants", on a également calculé les densité de population par unité de production. Ce chiffre donne une idée, pour chaque unité de production, du nombre d’habitants qui devraient, collectivement, d’une manière ou d’une autre, en assurer la fabrication, l’installation, l’entretien et le remplacement en fin de vie soit 20 ou 30 ans pour les équipements électro-mécaniques mais beaucoup plus bien sûr pour un barrage en béton.

Parc éolien McArthur
140 éoliennes de 3 MW sur 55 km2.
Vestas

 Éoliennes

Le parc éolien australien Macarthur a été inauguré en 2012. Les 140 éoliennes de 3 MW sont réparties sur un territoire de 55 km2 et développent une puissance totale de 420 MW. Il s’agit d’éoliennes de puissance moyenne, avec une hauteur de mat de 100 m et un diamètre de rotor de 122 m. On calcule facilement que la densité de puissance est ici de 7,6 MW/km2 de territoire, à comparer aux 10 MW/km2 souvent considérée comme une densité maximum pour que les éoliennes n’interfèrent pas trop les unes avec les autres. Il est particulièrement important d’installer les éoliennes uniquement dans des zones bien ventées car la puissance captée est proportionnelle au cube de la vitesse du vent. Perdre la moitié de la vitesse, c’est diviser la puissance par huit.

Le tableau ci-dessous rassemble le nombres d’éoliennes du même type que celles du parc McArthur qui seraient nécessaires pour chacun des pays, la fraction du territoire qui serait occupée à densité équivalente à celle qui apparaît sur la photo ainsi que le nombre d’habitants correspondant à chacune des éoliennes.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre d’éoliennes 310.349 43.660 233.806 222.818 1.395.063 6.333.333
Fraction du territoire 34% 56% 14% 36% 6%
Habitants par éolienne 260 256 282 288 227 1 125
Hydrolienne SEAGEN
Deux fois 600 kW.
Boating Business

 Hydroliennes

La double hydrolienne SEAGEN a été installée en 2008 en Irlande du Nord. Ses deux hélices de 16 m de diamètre développent ensemble une puissance nominale de 1,2 MW. C’est la puissance obtenue lorsque la vitesse du courant marin est suffisamment élevée, de l’ordre de 2,5 m/s.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de machines 20.009 2.815 15.074 14.366 89.945 408.333
Habitants par machine 4.030 3.973 4.373 4.462 3.519 17.449
Machine houlomotrice PELAMIS
0,75 MW pour 120 m et un diamètre de 3,5 m.
EMEC

 Machines houlomotrices

La puissance nominale d’un serpent marin PELAMIS est de 0,75 MW. Il a été testé en Écosse de 2004 à 2007 avant que 3 serpents PELAMIS ne soient installés au Portugal en 2009. Il a une longueur de 120 m pour un diamètre de 3,5 m.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de machines 35.282 4.963 26.580 25.331 158.597 720.000
Habitants par machine 2.286 2.253 2.480 2.531 1.996 9.896
Centrale Géothermique de Nesjavellir
120 MWe et 300 MWth.
Wikipedia - Gretar Ívarsson

 Centrales géothermiques

La centrale géothermique de Nesjavellir qui a été inaugurée en Islande en 1990 peut délivrer 120 MW de puissance électrique et 300 MW de puissance thermique. Géologiquement, l’Islande est cependant un cas très particulier. La proximité entre le magma et la surface du sol y rend la production d’électricité par géothermie particulièrement indiquée. Dans les pays que nous examinons, des conditions suffisantes sans être aussi favorables qu’en Islande se retrouvent à la frontière franco-allemande dans les Vosges, en France dans le Massif central et aux États-Unis dans les montagnes Rocheuses. Ailleurs, on voit mal l’installation de centrales géothermiques.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de centrales 218 31 165 157 982 4.458
Habitants par centrale 369.139 363.851 400.519 408.709 322.282 1.598.120
Barrage de Keban
1 km de longueur, 1 330 MW.
Wikipedia

 Centrales Hydroélectriques


Le barrage de Keban en Turquie date de 1974 et sa puissance peut atteindre 1330 MW. Sa longueur dépasse le kilomètre pour une hauteur de 207 m et son bassin hydrographique couvre 64000 km² et permet une récolte d’eau suffisante pour fournir la puissance nominale un peu plus de la moitié de l’année.

La puissance d’une centrale hydroélectrique est fonction du débit d’eau et de la hauteur de chute. Pour obtenir des quantités d’énergie significatives, comme à Keban, il faut privilégier les régions montagneuses et les cours d’eau importants. De plus petites centrales sont possibles lorsque la hauteur de chute ou le débit d’eau sont plus faibles. Il faut alors en multiplier le nombre proportionnellement.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de centrales 43 6 32 31 194 880
Habitants par centrale 1.870.805 1.844.005 2.029.838 2.071.345 1.633.333 8.099.302
Tour solaire Solar Tres
20 MW sur 185 ha.

 Centrales solaires à concentration


La centrale solaire à concentration Solar Tres est située en Andalousie. Sa puissance est de 20 MW. La centrale occupe un terrain de 185 ha et la tour a une hauteur de 140 m. La température atteinte dans le réservoir de stockage au sommet de la tour peut dépasser 500 °C.

Ces centrales sont analogues dans leur principe aux centrales thermiques classiques. La différence est qu’ici la chaleur est fournie par le soleil plutôt que par un combustible fossile.

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de centrales 36.017 5.067 27.134 25.859 161.901 735.000
Habitants par centrale 2.239 2.207 2.429 2.479 1.955 9.694

En suivant le scénario de Jacobson et Delucci, il faudrait donc, dans les pays développés, une centrale du type Solar Tres par groupe de 2000 à 2500 habitants !

Centrale photovoltaïque de Rovigo
70 MW sur 2,8 ha.
SunEdison

 Centrales photovoltaïques


La puissance du champ photovoltaïque de Rovigo, inauguré en 2010 dans le nord de l’Italie, est de 70 MW et il occupe une superficie de 2,8 ha.

En dehors des champs photovoltaïques, on installe aussi beaucoup de panneaux photovoltaïques sur des toitures. Dans les pays développés, la superficie totale de toiture ensoleillée est très approximativement de 10 m2 par habitant. Il faut compter approximativement 10 m2 de panneaux pour obtenir une puissance crête de 1 kW, c’est-à-dire la puissance obtenue lorsque le temps est bien clair et que les rayons du soleil sont perpendiculaires au panneau. Cette puissance crête correspond, en zone tempérée moyennement ensoleillée, à une puissance moyenne de 0,1 kW (soit 900 kWh par an).

AllemagneBelgiqueFranceUKUSAMonde
Nombre de km2 8.379 1.179 6.313 6.016 37.667 171.000
m² par habitant 104 105 96 94 119 24

La surface par habitant est une donnée importante pour imaginer la faisabilité d’un scénario photovoltaïque. Bien sûr, on n’oubliera pas qu’il y a souvent plusieurs habitants par famille et que les villes ne disposent pas d’autant de surfaces disponibles que les campagnes. Le scénario étudié implique une superficie photovoltaïque par habitant d’un pays développé de l’ordre de 100 m2 ou 400 m2 pour une famille de 4 personnes !

 Discussion

Pour compléter le tableau, il nous reste à discuter de la faisabilité du scénario 100 % renouvelables dans le cas des pays développés. Deux questions centrales se posent. Celle du territoire nécessaire pour pouvoir produire ces quantités d’énergies renouvelables, de sa disponibilité, chez soi ou ailleurs. Et celle des nombreux équipements que cela implique, qu’il faudra bien produire, éventuellement au détriment de la production d’autres équipements pourtant tout aussi indispensables, ceux qui permettent de produire les biens de base comme l’alimentation, le logement ou la santé par exemple.

 Territoires

Est-il possible de trouver la place suffisante pour la production des quantités nécessaires d’énergies renouvelables dans les limites des territoires allemand, belge, français ou britannique ? Cela semble impossible. Et de loin. Non seulement les territoires apparaissent bien trop étroits mais la compétition avec d’autres usages du sol ne pourra qu’aller s’intensifiant. Elle a d’ailleurs déjà pointé le bout de son nez avec les agrocarburants. Manger ou rouler (en voiture), il faudra parfois choisir. De plus, les ressources hydrauliques ou géothermiques font généralement défaut pour les quantités requises par ce scénario 100 % renouvelables. La situation des États-Unis est toutefois un peu différente en raison de sa faible densité de population.

Se pose donc la question de la (dé)localisation des installations de production. L’autosuffisance ou l’indépendance énergétique doivent-elles être un objectif ? Et à quelle échelle ? Nationale ? Européenne ? Et en cas de délocalisation de la production d’énergie se posent des questions géopolitiques difficiles, singulièrement sur le long terme. La comparaison avec l’autosuffisance alimentaire est tout-à-fait pertinente dans cette réflexion car il s’agit de deux ressources vitales.

Tous les états du monde se préoccupent de leur dépendance alimentaire. Tous les états du monde se préoccupent (probablement un peu moins) de leur dépendance énergétique. Il faut cependant insister sur un fait, l’énergie n’est pas une denrée (commodity) comme une autre. C’est la mère de toute les denrées. Avec suffisamment d’énergie, n’importe quoi peut être produit. Sans énergie, rien de peut être produit. Celui qui détient l’énergie détient donc le pouvoir !

La question géopolitique qui se pose est la suivante. Combien de temps pourrions nous compter sur la bonne volonté de ceux qui nous prêteraient leur territoire (souverain) pour y produire notre énergie, sachant qu’avec cette énergie ils pourraient eux être parfaitement indépendants de nous et de nos compensations.

 Équipements

Tous les équipements nécessaires pour le scénario 100 % énergies renouvelables doivent être fabriqués, entretenus et régulièrement remplacés en fin de vie. Les Allemands, les Belges, les Français ou les Britanniques en auraient-ils la force ? Quelle est la capacité ou la volonté des habitants de consacrer une part importante de leur activité (de leur vie), directement ou indirectement, à produire et gérer ces équipements indispensables. Car, d’une manière ou d’une autre, on peut le tourner comme on veut, c’est à eux qu’il appartiendrait de produire ce capital industriel sans lequel les quantités d’énergie considérables destinées à soutenir leur mode de vie ne pourront pas être extraite de l’environnement.

Consacrer autant d’efforts et de travail pour assurer un mode de vie "moderne", le jeu en vaut-il la chandelle ? Une part de plus en plus importante de la semaine de travail devrait en effet être consacrée à gagner l’argent nécessaire pour payer ceux qui produisent et entretiennent ces équipements, c’est-à-dire pour accumuler et maintenir (voire accroître) le capital qu’ils représentent. Cette part croissante de l’activité consacrée à l’énergie se fera de plus en plus au détriment d’autres besoins, à commencer par les loisirs et la culture pour finir par la santé et l’alimentation. Il ne faut pas s’y tromper, c’est bien en raison du capital sans cesse croissant exigé par l’extraction de ressources naturelles, pas seulement énergétiques d’ailleurs, que les limites de la croissance seront (sont déjà ?) atteintes, comme l’avaient fait pressentir les chercheurs du MIT en 1972 [2] et comme l’analyse aujourd’hui le chercheur Graham Turner [3].

 Conclusion

Pour sûr, le rêve d’un système technique 100 % énergies renouvelables, produisant suffisamment d’énergie pour soutenir le mode de vie des pays développés, restera toujours à l’état de rêve. Beaucoup de temps sera encore consacré à en discuter. Beaucoup de budgets, essentiellement publics, seront encore consacrés à des études et recherches plus ou moins pertinentes. Mais le développement concret restera modeste, dans la ligne de ce qu’il est aujourd’hui (en 2015).

Pour les habitants des pays développés, la voie du progrès consiste plutôt à réexaminer le mode de vie, souvent tendu et stressant, que les nécessités de la croissance économique l’ont contraint à adopter, souvent de bon gré d’ailleurs.

Simplifier, revenir à l’essentiel et remettre l’humain au centre de la politique permettra de trouver un niveau d’activité économique compatible avec le potentiel des énergies renouvelables. Le problème n’est pas un problème de modernité mais un problème de quantités. Et il trouve peut-être bien son origine dans une malfaçon du modèle économique et des institutions qui l’ont engendré. Mais cela est un autre sujet.

Débarrassés de leurs problèmes de quantités, les habitants de nos pays pourraient mener une vie épanouie et (surtout ?) retrouver un optimisme qui est en train de les quitter. Ils pourraient alors à nouveau souhaiter un avenir radieux pour leurs enfants.


[1Jacobson, M. Z., & Delucchi, M. A. (2011). Providing all global energy with wind, water, and solar power, Part I : Technologies, energy resources, quantities and areas of infrastructure, and materials. Energy Policy, 39(3), 1154-1169.

[2Meadows, D. H., Meadows, D. L., Randers, J., & Behrens, W. W. (1972). The limits to growth. New York, 102.

[3Turner, G. M. (2012). On the cusp of global collapse ? Updated comparison of The Limits to Growth with historical data. GAIA-Ecological Perspectives for Science and Society, 21(2), 116-124.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.