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Repair Café

vendredi 5 décembre 2014, par Louis Possoz

Des gens ordinaires se retrouvent dans un café. Normal. Mais certains sont là avec un aspirateur ou avec un grille-pain, tandis que d’autres apportent quelques pinces et tournevis. Ça c’est plus étonnant !

Leur intention ? Redonner vie à des appareils en panne, souvent destinés à la poubelle, parfois aussi au recyclage pour les plus vertueux. Et tout cela dans un joyeux brouhaha. Il y a même des quiches et des boissons pour agrémenter la soirée.

Repair-café à Louvain-la-Neuve

Et ça démarre. — Mon grille-pain fonctionnait très bien mais depuis hier, plus rien. — Comment ça se démonte ce truc ? — Il faudrait d’abord mesurer la résistance chauffante. Ainsi, la conversation va son train. On réfléchit ensemble. On répare ensemble. C’est pédagogique pour tout le monde, les réparateurs et les réparés.

Le succès de ces initiatives est étonnant. Enfin, peut-être pas si étonnant que ça car c’est vexant de voir un fidèle serviteur électro-mécanique renâcler devant la tâche et refuser définitivement de remplir son office. Et c’est avec un petit pincement au cœur que l’on songe à s’en séparer. Mais c’est alors que l’on se souvient avoir entendu parler du repair cafe d’à côté. Et c’est parti...

De nombreux sites Internet enthousiastes font passer le message, au niveau mondial, national ou local. Tout est parfaitement bénévole, il s’agit d’entraide, de solidarité, et du plaisir de la rencontre.

 Obsolescence

Tout le monde le sait, les appareils sont de moins en moins réparables. Achetez en un neuf ma bonne dame, c’est beaucoup moins cher. En plus, le nouveau à une super télécommande. Le pied !

Beaucoup de monde sait aussi que c’est le plus souvent fait exprès ! Il faut bien faire tourner l’économie, assurer la croissance pour l’emploi, et patati et patata. Que les ressources naturelles commencent à manquer et que les déchets solides ou gazeux envahissent notre environnement ne doit pas nous arrêter en si bon chemin.

Ce que l’on sait moins, c’est que si la durabilité des appareils va en diminuant, ce n’est pas tant pour que ça tombe en panne plus rapidement (après la période de garantie) mais bien parce que ça coûte moins cher à produire. En effet, le fabricant ne peut pas être certain qu’on rachètera chez lui le remplaçant d’un de ses appareils qui a cessé de fonctionner. Par contre, il est certain que si son appareil devient moins cher que celui de son concurrent, il en vendra plus. Et, pour ce qui est d’un prix encore plus bas, le consommateur est généralement consentant. Donc, le plus souvent, si les appareils sont difficilement démontables et réparables, c’est pour qu’ils coûtent encore moins cher à produire. Et même si on doit les remplacer plus souvent, c’est le moins cher et le plus bling-bling que l’on préférera.

On ne sortira pas de cette situation tant que les usagers n’auront pas légalement leur place dans les conseils d’administration, à parts égales avec les détenteurs du capital qui mettent généreusement leur argent à disposition de l’entreprise, avec les travailleurs qui consacrent l’essentiel de leur temps et de leur compétence à produire ce qui nous est (peut-être, parfois) utile et avec ceux qui nous prêtent gentiment leur planète, c’est-à-dire les générations futures, dûment représentées.

 Appropriation

La technique au service de l’humain ou l’humain au service de la technique ? That’s the question !

Souvent, vos outils vous les connaissez bien. Vous connaissez leurs qualités mais aussi leurs petits défauts. Et vous savez habilement les contourner. Vos outils vous accompagnent parfois depuis des années. Parfois même vous les avez hérités de vos parents.

Les nettoyer, les entretenir sont des gestes normaux. Ils indiquent que ces outils ont une valeur pour vous. Vous les avez apprivoisés. Vous ne vous en sépareriez qu’avec regret, s’il est même possible de vous en séparer.

Mais cet appareil acheté il y a à peine deux ans et qui déjà ne fonctionne plus ? Vous l’avez regardé, agité, secoué. Mais rien, pas le moindre signe de vie. Que faire ?
Rien n’est fait pour vous aider à lui ouvrir le ventre pour comprendre ce qui ne va plus. Le plus souvent, il traînera quelques années dans un placard avant de finir dans une décharge. À moins que vous ne connaissiez les "repair-cafés" et que là, peut-être, vous arriviez à lui rendre vie.
Cet appareil n’est qu’à moitié le vôtre.

 Réparabilité et éthique

Vis indémontable ?
Tête de vis à empreinte triangulaire !!!
Louis Possoz

Lors d’un cours aux étudiants ingénieurs, je parlais de cette curiosité que sont les têtes de vis toujours différentes. Cet appareil difficilement démontable a pourtant été conçu par un ingénieur. Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête pour qu’il mette autant de soin à ce que vous ne puissiez pas le réparer vous-même ? Ou aussi peu de soin à ce que vous puissiez l’entretenir et le réparer ?

Commentaire d’un étudiant : c’est pour la sécurité du consommateur parce que c’est trop dangereux de le démonter.
Une étudiante rajoute qu’il y a même des consommateurs qui intentent des procès ridicules aux fabricants parce qu’ils se sont blessés.
Enfin une autre conclut : ils sont obligés, c’est pour pouvoir en vendre plus !
Aucune autre réaction sur l’éthique de l’ingénieur ou sur la finalité humaine de la production. Les études d’ingénieur sont des études sérieuses Madame, on ne s’y embarrasse pas de considérations oiseuses.

 Croissance ?

Mais quelle drôle d’idée que de passer des heures à remettre en état un appareil en panne. Que de tracas, que de soucis, alors qu’un neuf coûte à peine une heure de salaire et qu’il possède évidemment plein de perfectionnements. Vos amis en seront jaloux.

L’idée, l’espoir, est qu’en réparant des appareils on diminue sa consommation matérielle puisqu’on garde l’ancien plutôt que d’acheter un nouveau. C’est donc un beau geste pour la planète et pour les générations futures.

Restons cependant bassement terre à terre. Si je diminue ma consommation d’appareils je contribue à mettre les gens qui les produisent au chômage. Et c’est justement ce que mon gouvernement ne veut en aucun cas. Donc, pendant que je fais un effort pour diminuer, lui tente d’augmenter la consommation, la mienne et la vôtre, par tous les moyens. Il faut de la croissance pour l’emploi !

Et c’est dans cet état de complète schizophrénie que nous nous trouvons aujourd’hui. Vouloir une chose et son contraire. Moins de consommation mais pas moins de revenus. La sagesse viendra sûrement un jour, forcée par les circonstances... En attendant, les repair cafés ouvrent la voie, dans la joie et la bonne humeur.

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