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Bases d’un projet politique

jeudi 10 décembre 2009, par Louis Possoz

En tant que projet politique l’objection de croissance est un immense chantier. Un tel projet de société ne peut voir le jour concrètement que s’il emporte l’adhésion d’une grande partie de la population. Et pour atteindre cet objectif, il ne suffit pas de critiquer la société actuelle, il faut encore montrer en quoi un autre projet peut être réaliste et réalisable. C’est à dire montrer qu’il permettrait non seulement à chacun de bien vivre (ce qui reste à définir) mais aussi (et c’est probablement plus difficile) qu’il permettrait à la société dans son ensemble de fonctionner de manière satisfaisante (ce qui reste également à définir). Car c’est ce fonctionnement collectif qui constitue l’essence de tout projet politique.

Je me place donc ici sur le terrain de l’objection de croissance politique, sans mésestimer l’importance d’une conception plus personnelle, philosophique et spirituelle prônée par beaucoup d’objecteurs de croissance. Ces démarches individuelles ou au sein d’un groupe relèvent cependant plutôt de la sphère privée. Toute la société doit-elle adopter la même philosophie de vie ?

Il s’agit donc de réfléchir à ce que pourrait être une autre organisation de la société, dans ses principaux aspects. L’approche doit être suffisamment concrète pour qu’elle constitue un projet politique qui puisse être mis en œuvre par un gouvernement. Il ne s’agit cependant pas nécessairement d’aboutir à un canevas unique, toutes les options compatibles avec la solidité de l’ensemble du projet peuvent (doivent ?) être laissées ouvertes.

Une première interrogation surgit lorsqu’on parle de non-croissance : « Bon, puisqu’il n’y a pas moyen d’avoir tout ce que je veux, quelles sont les choses auxquelles je tiens absolument ? ». En d’autres mots, quels sont les besoins essentiels, qu’il est important de satisfaire en priorité ? Jusqu’où peut-on y adjoindre des consommations moins essentielles mais que l’on pense souhaitables, tout en restant dans les limites des possibilités de la biosphère ? Soyons clair, ce niveau raisonnable de consommation est en tout état de cause bien inférieur au niveau actuel de consommation dans le monde développé, comme le prouvent avec toujours plus de crédibilité les scientifiques de différentes disciplines : climatologues, spécialistes de l’énergie, de l’empreinte écologique, etc..

Peut-on facilement transposer des priorités individuelles vers la société prise dans son ensemble ? Ce qui est essentiel pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Le fait que certains aient des besoins essentiels modestes alors que d’autres en aient d’inextinguibles ne semble ni équitable ni écologiquement soutenable. Selon bien des études, cette disparité dans la société actuelle constitue d’ailleurs un puissant moteur à la croissance de la consommation. Mais, même avec un budget de consommation équitablement réparti, bien des choix restent possibles. Certains de ces choix peuvent résulter de décisions personnelles ou locales. D’autres cependant ne peuvent être assumés que plus globalement, et donc au niveau des états voire des groupes d’états.

Revenons aux besoins essentiels collectifs. On placera probablement en tête de liste l’alimentation mais aussi la santé, la sécurité (elle est loin d’être assurée partout dans le monde), l’enseignement, la culture, la communication, etc.. Chacun de ces besoins essentiels doit être examiné en détail. Par exemple, quels choix politiques faut-il poser en matière de santé dans l’objectif d’une société de non-croissance ? Souhaite-t-on pouvoir disposer d’un scanner pour sauver la vie d’un enfant ? Si oui, qui peut fabriquer ces appareils très complexes ? Ce n’est probablement possible qu’à un niveau européen ou mondial. Cet aspect est indépendant du débat public-privé ou états-entreprises qui méritera d’autres développements. Bien des questions analogues se posent, en matière de communication par exemple avec Wikipedia et Internet.

Peut-on résumer ces questions dans la suivante ? « Qu’est ce que la société veut collectivement conserver des ’’progrès" (qui ne le sont d’ailleurs pas toujours) accumulés au fil du temps et quels sont ceux qu’on abandonne collectivement, c’est à dire que personne n’aura la possibilité d’en profiter, même s’il le souhaite, car ils ne seront plus disponibles ? » Les réflexions sur cette question devraient être examinées dans différents articles, un pour chaque aspect, permettant ainsi d’affiner les propositions d’un projet politique d’objection de croissance.

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