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Croissance économique

dimanche 18 octobre 2009, par Louis Possoz

Précisons dès le départ, que notre réflexion ne porte que sur l’économie physique, c’est à dire sur celle qui s’intéresse à la production et à la consommation de biens physiques : matière et énergie. En effet, la partie immatérielle de l’économie ne se heurte pas au même contraintes planétaires et environnementales que sa partie physique. On se gardera néanmoins de confondre cette partie immatérielle de l’économie avec le secteur tertiaire (ou celui des services) car ce dernier peut être très consommateur de matière et (surtout ?) d’énergie. La compatibilité, autre qu’anecdotique, d’une économie immatérielle avec une économie de marché capitalistique reste également à démontrer. Mais ceci est un autre débat.

Sous le terme production on regroupe les processus de transformation de la matière (physiques et chimiques) et de dégradation de l’énergie (destruction d’exergie  ) car il ne saurait bien entendu être question de création de matière ou d’énergie. A l’autre bout de la chaîne, en fin de cycle de vie, la matière peut être recyclée ou rejetée dans l’environnement tandis que l’énergie ne peut qu’être dissipée dans l’espace sous forme de rayonnement à basse température.

Pour la simplicité, l’analyse ne porte que sur l’économie des pays développés (OCDE). Elle serait évidemment différente pour les pays en développement.

Théories de la croissance économique

Si c’est une chose de constater la croissance du PIB  , c’en est une autre de l’expliquer. Curieusement, les théories classiques de la croissance ne l’examinent que du point de vue de la croissance de la production alors que l’on aurait pu s’attendre à une approche plus générale qui fasse notamment intervenir les trois facettes de la comptabilité publique : production, consommation et revenus.

Que ce soit dans le modèle de Solow ou celui de la croissance endogène, la croissance économique s’explique essentiellement par l’augmentation de la production que permet le progrès technologique et humain. Pour le dire autrement, « puisque le progrès permet de produire plus, il est fatal que l’on produise plus. » Et c’est bien de fatalité qu’il semble être question.

Par contraste, on pourrait s’intéresser à la croissance du point de vue de la consommation. Quelles sont les forces motrices de la demande ? Keynes parlait des besoins absolus, besoins vitaux indépendants de la relation aux autres, et des besoins relatifs, dépendant du contexte socio-culturel et qui seraient sans limite. Même si cette distinction n’est pas toujours très utile, on peut facilement imaginer que ces besoins relatifs sont corrélés à l’écart des niveaux de vie entre les individus. Il serait intéressant d’observer le lien entre la tension salariale dans une société et la croissance de la demande. Un autre lien qu’il serait utile d’observer est celui entre l’intensité de la publicité, le budget consacré aux médias par exemple, et la croissance de la consommation. Les moyens à la disposition des professionnels pour amener le consommateur à un acte d’achat qu’il n’aurait pas posé sans incitant sont très nombreux et parfois indétectables pour la plupart des consommateurs. On serait ainsi curieux de savoir quel serait le niveau de croissance spontanée dans une société où les niveaux de vie seraient peu différents et où la publicité serait limitée à des « maisons d’information commerciale » dans lesquelles on pourrait se renseigner librement.

En reprenant les trois facettes des comptabilités publiques, on peut facilement voir que l’équilibre peut être conservé avec ou sans croissance du PIB   et même avec sa décroissance. Si l’on consomme moins, on dépense moins, on peut se contenter d’un revenu inférieur et la production peut être diminuée. Ce faisant, on peut travailler moins ou avec moins de pression à la productivité. Nous parlerons alors de « décroissance équitable ».

Dans le fonctionnement actuel de l’économie, ce n’est pas comme cela que ça se passe. Si la consommation diminue, la production s’adapte en mettant au chômage une partie de la force de travail. On arrive ainsi à une société duale, malgré les mécanismes de sécurité sociale qui atténuent légèrement les effets du chômage. Une partie de la société ne gagne plus que très peu et donc consomme très peu, l’autre partie conserve son niveau de revenus et de consommation. Cette situation génère un problème politique qui ne se résout traditionnellement que par des politiques de relance de la consommation : primes à la consommation privée d’une part et dépenses publiques d’autre part.

On nous dira qu’en cas de décroissance équitable, le mécontentement social posera les mêmes problèmes politiques. Il semble cependant qu’il soit plus simple de justifier une décroissance équitable par la nécessité d’assurer un environnement sain et un climat supportable pour nous et nos enfants et cela d’autant plus que, comme l’indiquent les recherches sur le lien entre le bien-être subjectif et le revenu, menées dans le cadre de la psychologie positive, l’effet sur la satisfaction individuelle devrait être faible et pourrait même être positif si l’on considère une diminution de l’angoisse liée aux changements climatiques [1].

Bien entendu, nous sommes parfaitement conscients que la gestion d’une phase transitoire de décroissance équitable serait une affaire complexe. Les situations individuelles n’évolueront pas spontanément de la même manière, certaines fonctions seraient nettement réduites (certaines productions industrielles...) alors que d’autres seraient globalement conservées (enseignement...), posant des problèmes d’inégalité des revenus. La politique devrait inciter à une réorientation progressive des fonctions déclinantes vers les autres, comme cela a d’ailleurs été le cas en d’autres circonstances.

En conclusion, deux questions se posent donc. Primo, pourquoi la croissance (ou décroissance ou acroissance) de l’économie physique ne peut-elle pas être analysée de point de vue de la consommation et du consommateur ? Compte tenu des questions lancinantes de ce 21e siècle - conserver à la biosphère sa capacité à héberger l’humanité -, ne faudrait-il pas envisager une approche différente de celle qui prévalait au 20e siècle centré plus essentiellement sur le bien-être matériel de base des individus ?

Secundo, pourquoi la science économique traditionnelle, indépendamment de toute considération politique ou idéologique, ne propose-t-elle pas à la réflexion un modèle économique et social pour une société en non croissance, éventuellement précédée par une phase transitoire de décroissance ?


[1On condense dans cette expression les problèmes qui provoquent la modification du climat, la hausse des océans et leur acidification, la fonte des glaces et des extinctions massives d’espèces biologiques, tous fortement liés aux émissions anthropiques de gaz à effets de serre, dont le CO2 émis par l’utilisation des combustibles fossiles.

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