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La polémique climatique

samedi 19 septembre 2015, par Louis Possoz

Y a-t-il un consensus scientifique sur les grandes lignes de la crise climatique et de son origine ? Le scepticisme règne-t-il en maître sur le thème du réchauffement climatique ?

Tout d’abord, il faut souligner d’entrée que le scepticisme est une qualité fondamentale en sciences. N’importe quel scientifique lisant un article soupèse aussi bien la qualité des données présentées dans l’article que la justesse des raisonnement qui y sont développés. L’évaluation par les pairs et la publication dans des revues scientifiques sont des éléments importants de la démarche scientifique,

À la question initiale, on peut globalement répondre que :

  • oui, il y a une polémique médiatique,
  • non, il n’y a pas de polémique scientifique.

La professeure d’histoire des sciences à l’Université de Californie à San Diego (UCSD), Naomi Oreskes, a examiné cette question dans son essai « The Scientific Consensus on Climate Change ». Globalement, sa réponse est qu’il y a un large consensus scientifique.

Les Marchands de doutes
Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Le pommier 2012
Naomi Oreskes et Erik M. Conway

Par la suite, Naomi Oreskes a publié les résultats de ses recherches sur la formation des bulles médiatiques, celle du climato-scepticisme à la suite des autres, dans un onvrage de référence, Les Marchands de doutes sorti en 2012 aux éditions Le Pommier.

D’un côté, les articles scientifiques s’accumulent rapidement sur toutes les facettes des sciences du climat. Loin de remettre en cause les fondements de l’analyse climatique, elles en affinent les connaissances et rendent le tableau d’ensemble de plus en plus précis, même si cela se fait avec de nombreuses hésitations, des débats, des évolutions, des retours en arrière, bref tout ce qui fait la joie (?) de la recherche scientifique. Cela ne veut pas du tout dire qu’il y ait une pensée unique. Beaucoup de chercheurs défendent "leurs" résultats avec vigueur. Beaucoup de chercheurs examinent avec circonspection les résultats de leurs collègues. Les débats sont fréquents mais l’analyse rationnelle domine la plupart du temps, ce qui n’empêche cependant pas toujours les dérapages. Heureusement, le chercheur est aussi un être humain.

D’un autre côté, des médias relaient avec délectation les opinions de ceux qui contestent ce qu’ils font passer pour une "pensée unique climatique". Dans ce feu d’artifice d’affirmations qui n’ont rien à voir avec les sciences du climat ou qui, dans le cas contraire, sont très peu vérifiées, « l’imposture climatique » de Claude Allègre est un exemple d’anthologie. Des chercheurs cités par Claude Allègre à l’appui de ses dires se rebiffent l’un après l’autre, comme Louise Sime par exemple.

On pourrait reprocher aux scientifiques de ne pas suffisamment expliquer leurs travaux. C’est effectivement un problème, problème amplifié pour les francophones par le fait que les articles scientifiques sont toujours en anglais. Il y a effectivement un déficit de vulgarisation des travaux scientifiques sur le climat.
À leurs moments perdus, quelques scientifiques du climat se sont donné pour passe-temps (?) de répondre aux différentes questions climatiques qui alimentent les polémiques. Il en est ainsi de l’équipe du site realclimate.org dont la plupart des articles sont en anglais mais parfois aussi en français.

 Exemple : l’Antarctique

Est-ce que l’Antarctique fond ? Et s’il ne fond pas, qu’en est-il de la hausse du niveau des océans ? Cela remet-il en cause les fondements des théories du réchauffement climatique d’origine anthropique selon lesquelles les émissions de CO2 dues à l’utilisation des combustibles fossiles déplacent l’équilibre général des températures à la surface de la Terre et entraînent progressivement un réchauffement global ?

Des études scientifiques sur ce sujet ont conclu que les glaces de l’Antarctique se portaient plutôt bien, malgré le réchauffement climatique.

Il faut d’abord rappeler que le réchauffement climatique est un phénomène global. Aucun phénomène local ne peut être une preuve de la théorie ni une preuve du contraire.

Mais en examinant la question d’un peu plus près, on peut cependant relever que deux phénomènes antagonistes influencent le volume total des glaces antarctiques. D’une part, des quantités importantes de glace se détachent parfois du continent, comme la Barrière de Larsen par exemple. D’autre part, des chutes de neige croissantes épaississent la couche de glace sur le continent. Cet épaississement est pourtant compatible avec la théorie. En effet, le réchauffement climatique peut entraîner une augmentation des précipitations qui, vu les températures très négatives, le sont ici sous forme de neige. En s’accumulant, cette neige épaissit la couche de glace.

Malgré tout cela, des études par gravimétrie menées en 2006 par la NASA ont indiqué des pertes significatives de la masse de glace.

Il n’y a donc pas de contradiction sur le fond entre le réchauffement climatique et un certain maintien du volume des glaces antarctiques. De nouvelles études affineront les choses et indiqueront dans quel sens penche la balance et à quel rythme le déséquilibre s’amplifiera.

 Le rôle des médias

Quelle est la responsabilité des médias dans la désinformation scientifique sur le réchauffement climatique ? Sont-ils des relais objectifs et attentifs d’un réel débat entre scientifiques ou bien sont-ils seulement à la recherche de ce qui est le plus vendeur, en n’hésitant pas à se faire complices de ceux qui sèment allègrement les graines de la désinformation scientifique ? À ce sujet, on lira avec intérêt la lettre ouverte aux journalistes qui ouvrent leurs colonnes - ou leur antenne - à n’importe qui et n’importe quoi en matière de climat (et de science) pourvu que ça mousse.

 Un livre : Le Populisme Climatique

Dans un ouvrage complet et bien documenté, « Le Populisme Climatique » (Éditions Denoël 2010), Stéphane Foucart, journaliste scientifique au journal Le Monde, propose une analyse fouillée sur le phénomène du scepticisme climatique en général et sur l’exemple “Claude Allègre” en particulier.

On en retiendra notamment que :

  • la polémique est médiatique et non scientifique (pour l’essentiel, le réchauffement climatique est dû aux gaz à effet de serre d’origine anthropique).
  • c’est dans la littérature scientifique que l’on trouve tous les articles pertinents sur le climat, ceux dont le GIEC est chargé de faire la synthèse pour le compte des États.
  • les scientifiques sont des êtres humains comme les autres, et il leur arrive de parler de choses qu’ils ne connaissent pas ou mal, même les plus brillants, mais s’ils n’en parlent pas dans des articles scientifiques, ils ne résistent pas toujours à les exposer dans des médias, parfois avides de sensationnel. Par exemple, une polémique sur le SIDA a fait bien des dégats, notamment en Afrique du Sud.

Voir en ligne : RealClimate : la science du climat par les scientifiques du climat

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